Olivier Duhamel : les jeunes et l'Europe

Publié le par JS03 Europe

Professeur à Sciences Po, Olivier Duhamel est un  grand spécialiste du droit constitutionnel et du fonctionnement de la Vème République. Il a été Député européen socialiste de 1994 à 2004. Du lundi au vendredi, à 8h30, il anime une chronique sur France Culture (Vichy : 98.4 FM).


Chronique retranscrite du mardi 19 mai 2009 :

Les jeunes sont attachés à l'Union européenne. Très attachés. Plus que leurs aînés. Les jeunes ne sont pas intéressés par les élections européennes. Vraiment pas intéressés. Moins que leurs aînés.

La grande enquête européenne commentée dans Le Figaro d'hier par D. Reynié, professeur à Sciences Po, directeur de la Fondation pour l'Innovation politique, confirme et souligne ce paradoxe apparent.
65 % des jeunes Européens, âgés de 18 à 24 ans, considèrent que, dans le contexte de la mondialisation, l'Union européenne est une chance pour leur pays et non une menace. Cet européisme est certes majoritaire quel que soit l'âge, mais à un niveau moins considérable. Et 58 % des mêmes jeunes Européens disent se désintéresser des élections européennes, alors qu'ils ne sont que 53 % dans l'ensemble des personnes interrogées. Autrement dit, la césure est massive, partagée par tous. L'euroscepticisme reste marginal, l'attachement à l'Union européenne bien ancré. Mais l'euroabsentéisme reste prédominant, le désintérêt pour les élections européennes croissant. Et les jeunes ne font qu'exacerber cet écartèlement. Leurs réponses à d'autres questions permettent de mieux le comprendre.

Certes, le désintérêt pour les élections européennes n'est pour part qu'une facette du désinvestissement à l'égard de la politique. Mais il existe bien une spécificité de l'euroabsentéisme, un facteur aggravant en quelque sorte. Parce que ni les partis ni l'Union européenne n'offrent aux jeunes ce qu'ils attendent.
Pas les partis
: les jeunes voudraient des candidats ayant des compétences européennes, des députés européens qui se consacrent exclusivement à leurs fonctions. On leur montre des ministres en déshérence, des candidats souhaitant devenir commissaires, des permanents de partis cherchant à avoir ou garder une place, des leaders dont le but premier consiste à affaiblir celui qui est en charge dans leur pays.
Pas l'Union européenne : ils voudraient qu'elle se consacre d'abord à l'éducation et à la formation, elle n'y intervient que de façon marginale. Et juste après l'éducation, ils attendent de l'Europe qu'elle stimule la croissance, s'occupe des affaires sociales et de l'emploi. Elle ne s'y consacre qu'indirectement ou très partiellement. Ils voteraient pour des candidats s'engageant en faveur d'une augmentation des dépenses publiques au niveau européen. Bien peu le font. Ici encore, les jeunes expriment fortement ce que l'ensemble des Européens ressent. R. Dehousse et N. Monceau montrent, dans "Que fait l'Europe", qui vient de paraître aux Presses de Sciences Po, le décalage entre l'offre et la demande, entre les priorités législatives de l'Union et les attentes des citoyens européens.


Autrement dit, la contradiction n'est qu'apparente entre l'attachement à l'Europe et le détachement des élections européennes. Les électeurs attendent autre chose des partis englués dans leurs disputes nationales et de l'Union trop éloignée de leurs préoccupations.

Publié dans Actualité Européenne

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